Voici comme prévu une analyse à (semi) froid de l’iPad.
Pour tout vous dire, ce post était déjà prévu depuis quelques temps, sachant que je me pose beaucoup de questions sur le form factor tablette / ebook et que bon, j’avais récolté pas mal de fuites (avérées) depuis quelques jours, ce qui m’avait alors lancé dans ce post.
L’intérêt n’est ici pas tant de défendre ou descendre la dernière création de la Pomme, que d’analyser son impact sur nos usages technologiques, tant Apple touche aujourd’hui tout le monde : même si vous ne possédez aucun produit Apple, l’influence de cette compagnie en terme de contenant comme de contenu a lourdement influencé les produits des autres marques que vous utilisez.
Ne vous trompez donc pas : ce post nous concerne tous.
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nb1 : je n’ai pas encore vu l’iPad en vrai, Apple devrait probablement inviter les journalistes à la tester sous peu. La plupart des considérations suivantes sont donc théoriques et non empiriques. Et je sais que le Wow Effect chez Apple est toujours très puissant.
nb2 : ce post sera sûrement mis à jour à mesure des liens, commentaires et lectures.
nb3 : le premier qui trolle, je l’envoie ad patrès dans un forum
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//LA MULTIPLICATION DES ECRANS
C’est le rôle premier de cet appareil : en segmentant le marché, Apple et ses compères suivent une démarche logique d’élargissement de cible et de synergies contenu / contenant, mais cette dernière va entraîner des choix de configuration d’écrans chez le consommateur. Tablette et desktop ? Smartphone et Laptop ? Soyons honnêtes : les geeks qui auront les trois seront largement minoritaires, le grand public fera un choix plus drastique, même si l’histoire conso/techno a toujours été dans le sens de la multiplication des écrans. 2nde télé, 2nd ordinateur, puis une télé dans chaque pièce aujourd’hui.
Aujourd’hui, Apple propose en terme d’écrans un éventail très serré:
- 1,8 pouces (iPod)
- 3,5 pouces (iPhone /i Pod Touch)
- 9,7 pouces (iPad)
- 13, 15, 17 pouces (MacBook / Pro)
- 21 et 27 pouces (iMac)
Je vous épargne les moniteurs séparés et les cas Mini et Pro qui a mon avis, n’ont qu’un avenir marginal dans une compagnie qui se définit désormais comme une “Mobile Device Company”.
On le voit plus haut, l’Ipad semble combler la dernière niche d’écran, pour enfin permettre à Apple de proposer une gamme complète et continue d’offre. Pourtant, le rôle et la nécessité de ce segment ne sont pas clairement démontrés.
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//iPAD vs iPOD
Depuis des années, on a compris que l’iPod n’était pas un simple lecteur mp3, mais bien un terminal personnel. Sinon pourquoi ne s’est-il pas appelé iTunes ? Dès les premiers jeux et l’apparition du carnet d’adresse en 2002, on sentait alors que l’iPod pouvait, devait dépasser sa condition purement musicale et l’on a vite (et longuement) fantasmé sur un device Apple à tout faire.
Ces fantasmes d’appareil unique se sont finalement incarnées en 2007 dans l’iPhone et l’iPod Touch et avec le recul, ces derniers auraient dû s’appeler iPod : des terminaux de votre ordinateur. L‘iPad incarne aussi logiquement le fantasme que nous avions pour l’iPod il y a quelques années. Or, Apple déclare que l’iPad permet de faire tant de choses mieux que les iPhone/iPod, passons-les en revue :
- Web : yep – Incontestablement. L’écran (10″) et la résolution (1024×768) passent les critères critiques minimum pour naviguer correctement et on le sait depuis l’iPhone : le tactile apporte un confort et une flexibilité que n’ont pas les autres interfaces, notamment pour le scroll horizontal ou le zoom intelligent. Apparemment, l’iPad offre un gain supplémentaire en rapidité de chargement.
- Email : mouais – Je suis moins d’accord. Symboliquement, l’iPad représente pourtant l’évolution même par rapport à l’iPhone : la colonne de navigation de gauche représente l’affichage global de ce dernier ! Nous sommes donc en présence d’une interface idéale. Reste le problème du clavier, toujours aussi limitatif, j’en parle plus longuement plus bas.
- Photos : yep – Très bien, rien à dire.
- Vidéos : mouais – Au delà de l’énorme chiantise qu’est l’importation de vidéos au format Apple, leproblème de la vidéo sera surtout ergonomique. Comme je l’avais dit pour la PSP, personne ne peut tenir son écran 2 heures durant pour regarder un film. Une sitcom tout au plus, Youtube sans soucis. D’où l’entrée en scène de multiples supports pour maintenir la tablette en bonne position. Je pense qu’un Netbook reste bien plus flexible (vous ne me croirez pas, mais il peut lire un fichier divx sans conversion, dingue) et plus stable une fois posé sur une tablette de siège d’avion.
- Musique : nope – De ce côté, l’iPad est un pas en arrière. Car on ne l’utilisera jamais comme un baladeur, il est simplement trop gros. Encore une fois, le test ultime est celui de la poche et seul l’iPhone/iPod Touch le passent. D’un autre côté, l’iPad est très limité par sa capacité : 64Go max, non extensibles, auxquels on enlèvera quelques Go d’OS et autres fioritures. Et enfin, il faudra stocker photos, mails, films etc. Question musique, l’iPad n’apporte rien, et retire même à la notion de “musique en liberté”.
- Games : nope – Le bât blesse ici : l’iPad n’offre rien d’autre qu’un plus grand écran. A moins qu’il ne cartonne au point de créer un second marché distinct, les développeurs vont tous émuler en plus hautes résolution (et à un tarif supérieur ?) leurs jeux au format iPhone. D’un pur point de vue game design, l’iPad n’offre rien et castre même, de par son absence de caméra, utilisée dans certains jeux. Et je me demande si tout le monde a envie de gigoter un truc encore plus gros qu’une DSi LL, déjà marketée en France comme une “console portable de vieux de salon”. Update : interview très intéressante de développeurs de jeux iPhone via BB. Merci Speedyop !
- Livres : mouais – “Les gens ne lisent plus“, avait prophétisé l’ami Jobs il y a 2 ans, presque jour pour jour. Et le voici finalement à embarquer dans le train en marche du libre électronique avec un device et un store. Evidemment, le progrès par rapport à un iPhone est évident, mais je pense qu’une vraie solution dédiée à base d’E-Ink reste supérieure, pour la simple et bonne raison que la source première de fatigue visuelle en lecture provient du retro-éclairage des écrans. D’un point de vue technologique, je m’inquiète guère pour les vrais eBooks. La puissance de frappe de l’iBooksstore sera la vraie inconnue de l’équation.
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//iPAD’ERGONOMIE POTABLE ?
Le point essentiel pour moi. La structure de la tablette en fait un outil de consommation de contenu idéal. La surface tactile de grande taille permet enfin des menus contextuels et des colonnes multiples, sans oublier la visualisation plus confortable de médias.
La tablette est cependant un outil de production mal adapté.
Produire des images, déjà, on oublie. La vanne est facile, mais on a l’impression que l’iPad a poussé le mimétisme avec l’iPod Touch tellement loin qu’il en a lui même oublié d’embarquer une caméra. Un énorme point noir pour moi sûrement déjà dans la ToDo d’Apple…
L’autre forme de production importante, c’est l’écriture. Et là, ça coince. Car les yeux et les mains sont deux partie du corps nécessitant des angles différents. Pour exagérer, la vue naturelle demande une surface verticale, les mains une surface horizontale. D’où un duo écran/clavier désolidarisé depuis toujours.
Les films comme Minority Report nous ont tous fait fantasmer, mais dans la réalité, ces interfaces sont anti-ergonomiques au possible. Vous arriveriez à mouliner vos bras à la verticale pour bouger des fenêtres et trier des fichiers durant ne serait-ce qu’une demie heure ?
La tablette pose un problème analogue : ça à l’air évident au premier abord mais ça se complique à l’usage. Les mains et les avant bras ont besoin d’être posés sur un support à l’horizontale (ou légèrement inclinés). Les yeux ont besoin de regarder globalement en face d’eux, à la verticale.
C’est pour cela que taper au clavier avec une tablette est anti-ergonomique : les deux choses se déroulent sur le même plan.
Il faudrait des images pour mieux expliquer le problème, mais imaginez que vous êtes couchés dans votre canapé avec un iPad : si la tablette est posée sur vos genoux pour taper, vous serez complètement courbé en avant pour être face à l’écran et voir ainsi ce que vous tapez.
Si vous êtes couché et que la tablette est appuyée sur vos cuisses à la verticale, vos poignets se retrouveront dans la pire position possible : pliés vers le haut. Syndrome du Canal Carpien, here we go.
Reste la solution des claviers supplémentaires, mais la philosophie même de la Tablette (un pur écran) se trouve alors complètement trahie et caduque. Le remède à ce casse-tête ergonomique pourrait résider dans ce classique proverbe : Véronique, une (main) qui la tient, l’autre qui… L’utilise.
Mais en fait, non. A terme, la main qui tient l’appareil fatigue et l’autre tapote plus prudemment et moins naturellement pour essayer de limiter cette fatigue. Si vous avez déjà eu affaire à ce genre de produit, vous comprendrez ce que je veux dire : comme lorsque l’on cherche en vain le sommeil, on change sans cesse de position. Résultat, on n’est jamais vraiment en position d’utiliser pleinement le clavier.
Ce n’est pas très ergonomique et j’ai l’impression que le carter d’écran, un peu trop épais pour être vraiment joli, sert finalement à poser le pouce qui enserre la tablette, sans toucher la surface tactile.
La question s’était résolue avec les smartphones, car la taille de leur écrans a invité à un nouveau type d’ergonomie de clavier : les pouces. Dans cette position, on tient son appareil tout en tapotant. Aucun besoin de support donc et la légèreté de ces appareils permet de les orienter à l’envie, vers les yeux par exemple. Les premiers Tablet PC avaient compris cette contrainte – et évidemment, s’étaient gaufrés dessus.
Les pouces sont l’avenir du clavier vraiment nomade.
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//HARDWARE : R.A.S
Le bilan est ici très bon. Le choix d’une dalle IPS+LED est vraiment excellent pour tout ce qui est angles de vision et rémanence, données importantes pour l’ADN de l’iPad, entre utilisation conviviale et fluidité hors paire de son interface (voir les nombreuses vidéos de Hands-On). Evidemment, on aurait tous aimé voir un écran Pixel Qi atterrir dedans, mais que voulez-vous.
Le processeur maison semble également se tenir dans le haut du panier face aux Tegras et Atom, les premiers retours sur la rapidité de la machine sont unanimes. L’acquisition de PA Semi prouve ainsi sa pertinence – et la volonté d’Apple de s’affranchir de ses gentils partenaires.
Une fois de plus, Apple approche le sans-faute. Pas vraiment de surprises ici, mais une confirmation de l’excellence de la marque dans le domaine du design industriel.
Evidemment, les griefs traditionnellement attachés à la marque (pas de connectique standard, pas de port carte mémoire, pas d’accès à la batterie) sont toujours de rigueur. Apple, c’est beau et ça reste en famille.
Et sur une note plus personnelle, je le trouve un peu pataud : le carter noir très épais (quand celui des iPhones est très fin sur le côté pour accentuer la taille de l’écran) et le format 4:3 au lieu du 16:10 ne forment pas une silhouette harmonieuse ou affinée.
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//DU CHIEN FOU A LA PART DU LION
Regardez l’effet principale utilisé lors de cet event : le gros boom massif.
C’est un changement d’attitude et de positionnement de la part d’Apple qui crie clairement : “nous sommes leaders, nous pesons lourd“. On passe d’une communication du challenger, du trublion, à celle du leader symbolique et effectif. Ce n’est pas tant de l’arrogance maison, mais un constat depuis le début de la décennie :
L’histoire à montré comment Apple a eu le talent de créer et de s’accaparer des marchés qui existaient déjà. Ce n’est pas une critique, mais un vrai compliment. Feront-ils de même avec l’iPad ?
- Le MP3 : premier lecteur arrivé en 1998, l’iPod arrivé en 2001, va redéfinir un marché bordélique avec ses armes : design, éco-système, contenu.
- Le Smartphone : un marché né dans les années 90 (1996 pour les Communicators de Nokia), a attendu 2007 et l’annonce de l’iPhone pour vraiment exploser hors des sphères techno/pro.
- La tablette : supportée par Bill Gates depuis des années et une fois encore, multiples tentatives, émergence localisée des livres électroniques et autres PMPs… Et on a l’impression que c’est Apple qui crée un nouveau marché.
Cette Keynote montre qu’Apple décide désormais de la naissance d’un marché. Avec plus de réussite que certains.
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LA TABLETTE FAIT-ELLE LOI ?
Au final, l’iPad n’est pas une révolution, c’est même un objet très conservateur, complètement intégré dans la philosophie Apple régnante depuis quelques années : design, choix hardware, ergo… L’iPad représente un héritage logique des vraies révolutions de la firme : iPhone OS, Unibody etc. Il n’y a pas vraiment de créativité ici, juste beaucoup d’application à élargir une gamme.
L’iPad sera-t-elle un succès ? Je n’en suis pas sûr. Dans le marché de la tablette, sûrement. C’est un produit solide qui jouit surtout de l’incroyable aura de la Pomme auprès d’un public grandissant. Mais c’est à propos du marché de la tablette que j’ai un doute.
C’est un concept qui touche au fantasme (l’écran pur et omnipotent) mais qui, dans la pratique, entraîne bien des contraintes ergonomiques.
Sachant que le smartphone reste un objet incontournable de par ses deux spécificités (communication et encombrement), et que le laptop pur et dur (clavier, puissance) reste également le choix naturel comme “base” de contenu et production, il faut maintenant se demander si les consommateurs auront vraiment envie ou besoin d’un 3e device qui n’offre pas tant une alternative qu’un affinement de certains usages.
Oui, la tablette offre des mieux, mais contrairement à ses deux “cousines”, rien de décisif : limitée en mobilité, limitée en production. Nous verrons comment, ou si les fabricants créeront des besoins et des attentes à la mesure de ce nouveau format, mais pour moment, le slide de Jobs semble avoir une nouvelle signification : le cul entre deux chaises.
Depuis des années, j’ai été un grand défenseur du device mobile unique : le Smartphone. La guerre de l’époque opposait les pro smartphone aux pro PDA+téléphone. J’ai l’impression que la Tablette incarne aujourd’hui leur philosophie d’attribuer certains usages à plusieurs appareils. Et l’on sait ce qu’il est advenu de cette approche.
Annoncée comme une révolution logique, l’iPad va, dans son actuelle configuration devenir une niche sympathique et facultative dans nos usages numériques.
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