Il y a quelques minutes, station République, ligne 8. J’attends à l’avant du quai et avec les autres passagers, entendons pas mal de boucan. Des jeunes. Sans mes lunettes, je ne vois pas trop, mais fait un rapport : grèves, manifs’, blocage des lycées… La masse descends les escaliers en rythme haché, s’arrête parfois, certains cris ressortent. La masse est énorme, ils sont au moins 60, prenant toute la place de la plate-forme au quai, recouvrant tout le large escalier d’accès.
Le métro arrive en même, nous montons tous et là, nous voyons un petit mec tenter de s’échapper de la masse. Il est retenu, se prend des coups. Nous commençons tous à paniquer dans le wagon, le mec y rentre tant bien que mal, accroché par ses agresseurs.
Et là, en 5 secondes, le wagon se retrouve blindé de jeunes racailles, tous serrés comme des sardines. Les dames se mettent à hurler pendant que le mec seul se prend encore des beignes, saigne. Je suis de l’autre côté du carré de sièges, je me mets discrètement au milieu pour freiner l’autre partie du groupe qui veut rejoindre le lynchage. Le métro n’arrive pas à démarrer, tant le quai est encore blindé de mecs qui veulent monter et participer à la fête.
On ne comprend plus très bien ce qu’il se passe, je reste planté entre les sièges pour faire barrage silencieux, avec la peur au ventre de me faire prendre à parti moi aussi. C’est finalement une petite dame qui me pousse.
“Sortez ! Sortez ! Vous faîtes peur à tout le monde vous êtes fous !”
“– Calmez vous madame, je ne suis pas l’un… Calmez-vous !”
Vu que j’ai Volley ce soir, je suis parti direct en tenue de sport. Gros jogging, sweat gris à capuche, bonnet. Pour les gens, je fais partie des racailles.
La situation ne s’arrange pas, des filles commencent à tenter de se battre avec les agresseurs, un mec tente d’intervenir, la victime est maintenue au sol, tout le monde crie clairement et les racailles hurlent pour faire monter leurs copains dans le wagon bondé. Ca va très mal se terminer pour tout le monde.
Et puis une dame, je ne sais pas si elle a bluffé, mais a hurlé en pleurant : “Arrêtez, arrêtez tous et partez, je suis enceinte, vous me paniquez, je ne vais pas bien, je ne vais pas bien !” Et là, les mecs se sont tiré. On en a entendu 3 dire “Allez on descend” et en 3 secondes, le wagon s’est désempli. Et le métro est parti de République.
Silence, juste le bruit du train qui défile, tout le monde sous le choc, le mec la gueule en sang. On lui donne des mouchoirs pour qu’il s’éponge, tout le monde commence à sortir de son état de choc et discute échange. Qui sont ces mecs, c’est quoi ce pays de fous etc. Et évidemment, on en vient à parler sécuritaire, racisme etc.
Le mec qui s’est fait littéralement sauter dessus par la meute est un bon petit blanc lambda, coupe à mèches. “Ils m’ont agressé pour ça“, dira-t-il à l’agent de sécurité débarqué à la station d’après, Filles du Calvaire. C’est un vieux téléphone Samsung. Une excuse comme une autre pour embrouiller une victime, quand on est 60 jeunes surexcités, ingérables, en quête de “fun” et d’embrouilles. Comme les mecs qui terrorisaient la cour de l’école. La cour étant ici une ville. Le mec s’essuie sobrement pendant que tout le monde discute maintenant ouvertement.
Ressentiments et phrases toutes faites volent à travers le wagon. Les gens se lâchent, évacuent. Les phrases plus émotives que réfléchies, se radicalisent.
Avec ce que j’entends, je ne peux m’empêcher de penser que quelque part dans de jolis bureaux, certains regardent et savourent ces jeunes faire leur promo gratuitement à travers la France. Une source gratuite, pas chère, courtisée par les médias. Voyous et sécuritaires, comme le PSG et l’OM, semblent bénéficier à entretenir leur haine réciproque. Et ce sont les seuls.
Je n’ai pas envie de développer une théorie et un débat super bétons pour éviter de tomber dans les pièges faciles du sécuritaire et du racisme d’un côté, du complot et de la manipulation de l’autre. Tous ont leur part de vérité.
Je raconte avec mon vocabulaire (je vois déjà les puristes m’expliquer la portée du terme “racaille”) ce que je viens de vivre, qui me calme, me révolte et m’énerve. Car évidemment, cette agression basique et spectaculaire entraîne un, des débats et des explications sans fin qui peuvent vite tous déraper. Et faire le jeu de certains.
Plus silencieux et digne que tout le monde dans le wagon, le mec se lève, descend à Ledru Rollin et se fond dans l’anonymat. La vie reprend son cours, les hordes errent sans but mais violence et les grands gagnants de ce genre d’évènements ne prennent jamais le métro.
…………………………
Update : ce post ayant été repris sur un blog d’extrême droite, ne vous étonnez pas de la teneur des commentaires à partir d’un certain moment. J’ai décidé de les laisser ouverts, quelque soit leur propos, ça a toujours été la politique ici.
Seuls les commentaires volontairement insultants serons effacés.
Des réactions ?