Pour changer de mes tweets / posts d’ivrogne de ce week end, une petite critique de Tron Legacy qui sort partout dans le monde en ce moment – sauf en France.
Disclaimer : il n’y a pas vraiment de spoiler, dans le sens propre du terme et dans le sens “vous pensez vraiment que les méchants vont gagner dans une prod’ Disney ?“.
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Déjà, parlons de Tron.
Il y a un peu de Godard, de Blade Runner et du Dude, dans Tron.
Godard, parce que tout le monde adore Tron sans vraiment l’avoir vu ou sans vraiment s’en rappeler. J’ai eu l’impression de le voir pour la première fois il y a quelques jours.
Blade Runner, parce que Tron est un film culte aujourd’hui et un bide (relatif) à son époque, et qu’on comprend pourquoi dans les deux cas.
Dude, parce que Jeff Bridges reste trop cool malgré un pote un peu rigide, une femme qu’il ne comprend pas trop et un adversaire en forme de vieux tout puissant mais un peu tocard.
Evidemment, si vous allez voir Tron Legacy dans quelques semaines, un visionnage du Tron premier sera de rigueur, ne serait-ce que pour les nombreux cameos et gimmicks qui parsèment toute cette suite (sauf la fameuse tête de mickey dans la Mer de la Simulation, absente ici ou alors je suis bigleux). Et pour découvrir une oeuvre complètement hors de son époque, 1982.
Imaginer l’intérieur d’un ordinateur, avec ses petits programmes tellement humains, croyants en un Dieu (le “User” – le programmeur quoi) et persécutés par un super-programme ayant acquis conscience et autonomie. C’est aujourd’hui kitsch, c’était en avance il y a 30 ans. Très en avance, même, tant certains termes et certains mécanismes de l’informatique étaient déjà utilisés. Trop en avance, peut-être.
En fait, Tron et Tron Legacy partagent le même soucis : sont-ils pertinents dans leur époque ?
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Grid vs. Matrix
Car Tron filston arrive en 2010, mais n’a pas changé son approche très “si l’ordinateur m’était conté par un enfant”. Avec le recul, lorsque je pense à Tron, j’ai dû mal à ne pas penser à Matrix. Ils offrent au final le même fantasme : se projeter dans la machine et jouer avec de nouvelles règles du jeu. C’est d’ailleurs ici que la trilogie (son premier épisode, tout du moins) du duo Wachowski prend le pas en exploitant parfaitement ce changement de paradigme dans la condition humaine.
Tron ne change pas ses règles même 30 ans plus tard et forcément, cela pose un soucis. Les programmes sont toujours de gentils bonhommes tout de cuir vêtu qui vont en boîte, assistent à des jeux, font preuve de petitesse. Au final, des humains, rien de plus. Et notre héros, malgré son statut quasi unique de “User”, ne vit que par les règles de cette Grid, sans jamais vraiment les transcender, quand Neo outrepasse certaines les lois de la Matrice. Cela restera mon gros soucis sur ce Tron. Mixer une sctructure kitsch et une plastique avant-garde.
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New, improved graphics !
Le film est-il beau ? Ah ça oui. Autant, la vague de suresthétisation des films de SF a largement blasé notre libido visuelle, autant Tron assume des choix de photo et lumière impressionnants. L’impression de tout vivre de nuit, ces éclairages par le bas, la froideur de la balance des blancs… Rien à dire, du début à la fin, nous sommes déposés dans un monde clos traversé d’énergie, qui se paye le culot de perdre ses couleurs 30 ans plus tard.
Il faudra cependant accepter aussi un monde qui délaisse la pure 3D polygonale du premier pour plus de matière : aux surfaces lisses se substituent des verres fumés noirs, de la fumée, de la roche, de la nourriture… Le vieux con qui réside en nous regrettera cette formidable ambiance dématérialisée et ses personnages désaturés. Le clip Derezzed de Daft Punk, qui jongle entre les deux approches esthétiques, ajoutera de l’eau au moulin des nostalgiques. Mais bon, c’est sûrement une volonté de moderniser cette Grille revue par Flynn.
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Entre Stallman et le Dude
Jeff Bridges, l’acteur le plus cool du monde, prend d’ailleurs un malin plaisir à composer son personnage entre un Bon Dieu (auréole du cercle, grosse barbe, tenue immaculée, regardant avec distance un monde qu’il a conçu et qui lui échappe), Richard Stallman (gourou du logiciel libre) et the Dudeness du Big Lebowski (répliques et attitude toujours cool). Un plaisir, d’autant qu’en face, son fils accompli de manière transparente son rôle de source de chaos et Olivia Wilde, bien que canon, semble un peu à l’étroit dans son costume (cool) et son rôle de Leeloo du 5e Element relookée par Faith de Mirror’s Edge (pas cool).
Tron Legacy n’est pas une arnaque, loin de là. Nous voici devant un film complet, joli, soigné. Son scénario très conventionnel ne dérange pas tant que cela. C’est juste cette part de passé culte mal digérée, apportant moins de charme qu’elle ne retire de possible, et qui empêche cette suite appliquée de faire voler les codes en éclat comme son aîné auparavant. Une malédiction classique chez les “fils de“.
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La version IMAX offrira 45 minutes en 3D supplémentaire
La 3D est d’ailleurs discrète et toutes les parties hors Grid sont en 2D
Les trajectoires des light cycles vont faire hurler les puristes
Le cameo des Daft passe bien, on penserait même à une boucle bouclée
A lire également : Tron Legacy vu par… le Tron Guy.
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