J’étais parti pour pondre une petite brochette de critiques cinés (cela fera plaisir à certains) mais en chemin, j’ai vu Wall-E et je veux donc parler de Wall-E. Bon déjà comme promis, deux films, deux phrases :
– Hulk
Bon ok ok euh bah, vivement The Dark Knight ?
– X-Files Regeneration
Jusqu’à la toute fin, une incroyable tension pour savoir s’il va effectivement se passer quelque chose.
– Wall-E
Ahh, Wall-E !
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Evidemment, comme toute chose qui m’inspire, les pensées et les analyses arrivent tout de go. Amateurs de hiérarchie et allergiques au spoil, détournez les noeils et ne cliquez pas sur la suite
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Le silence au service de la personnification
Ce qui frappe de la manière la plus évidente dans Wall-E, c’est évidemment l’absence de dialogues durant la première demie heure. Tout le monde vous dira que c’est le moment le plus poétique du film, et non pas une longue intro. Pourquoi ?
Parce que c’est le moment ou tout le talent d’animation de Pixar se met en marche et s’émancipe totalement. Les fans d’animation l’auront sûrement remarqué : aucun studio ne pousse les détails et les gimmicks de gestuelle aussi loin. La souplesse, l’iconique des gestes toujours impeccable. Un rat, une voiture, un monsieur Patate ou un robot nettoyeur expriment ainsi à travers leurs mouvement tout ce qu’il ne peuvent pas déclamer de manière humaine et linguistique. Et si les plus grands héritiers de l’art du mime se trouvaient en Californie ?
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Le pire est déjà arrivé.
Ce que peu de personne ne remarque dans Wall-E, c’est l’absolue noirceur de son postulat. La plupart des films grand public se jouent à un tournant majeur : il faut sauver une princesse, la Terre, empêcher un tyran ou une multinationale de s’emparer de notre civilisation etc. C’est souvent au bout de la séquence finale et d’un dernier cliffhanger que la situation se rétablit.
Wall-E débute alors que le Drame au sens propre du terme s’est accompli : la Terre est finalement devenue une déchetterie ayant rasé toute forme de vie à sa surface, alors que les humains l’ont fuit sans vergogne. Wall-E est ainsi dans son postulat non seulement un film post-évènement, mais également un sacré bras d’honneur à la culture du Happy Ending. Evidemment, le film se termine bien, mais sa conclusion s’inscrit tout de même dans un nouveau départ.
The Incredibles, l’un des Pixar les plus sous-estimés et à mon avis l’oeuvre la plus proche de Wall-E, partage cette construction (et la liberté scénaristique qui en découle).
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L’esthétique de l’absurde
Parti de la saine base du “tout est perdu”, Wall-E se permet alors des envolées graphiques absolument dantesques. Voir ces pyramides de déchets symboliser la grandeur de l’absurdité humaine est un moment vertigineux, suffocant et dépaysant.
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Maestria visuelle.
On se demande toujours comment Pixar produit les plus beaux films d’animation du monde et Wall-E apporte un nouvel argument sans expliciter de réponse. On pensera évidemment à l’incroyable travail sur le rendu des matières, des particules comme la poussière, l’air ou la fumée, la gestion de la profondeur de champ.
De ce matelas technique sans équivalent, les designers de Pixar créent de toute pièce des mondes et des univers d’une puissance sans commune mesure.
J’avais aussi hâte de voir ce que Pixar pouvait imaginer comme robots, appareils et mécanismes et il suffit de rencontrer le robot fonctionnaire ou de découvrir les articulations des vaisseaux pour comprendre que l’amour des mécaniques organiques du Studio Ghibli a trouvé un vrai répondant côté Occident.
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La surprise Eve
Face à Wall-E, Eve (“Iiiiva“). Je dois avouer qu’au départ, je m’attendais au pire. Design et détails frisant le placement produit Apple (Jonathan Ive himself l’a designé) et rôle un peu trop prévisible, de quoi plomber un film. Mais voici que Pixar donne à cette graine de technologie et de nacre une puissance et une crédibilité assez solides. Son rôle se nuance, elle sera le point d’ancrage raisonnable du film et son basculement moral. La scène où l’on voit en gros plan ses doigts et que l’on sent leur cliquetis et le volume du nacré résume bien cet enrichissement.
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Humans after all
Autre élément assez détonnant, le rôle des humains. Réduit à tous les sens du terme à l’état de bétail de luxe, leur construction plastique et morale est vraiment unique : alors qu’ils ont traditionnellement un rôle de méchant hors champ (Toy Story, Ratatouille), les voici doux et au départ, passifs. Le design des humains est vraiment génial, puisque littéralement regressif : les hommes ressemblent à des bébés, gras et ronds, doux et couchés. On inverse ici le rapport de force avec les héros du film.
Seconde couche rafraîchissante, ils sont gentils, amoraux et instrumentalisés par l’action des robots, une vraie masse cynétique dans la dynamique du scénario.
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Merci la concurrence
En fait et pour faire simple, le meilleur moyen de comprendre le gouffre dantesque qui sépare Pixar de ses concurrents, c’est de regarder les trailers des prochains films de ces concurrents : l’humour, l’animation, l’originalité. Regardez (et vous comprendrez) Madagascar 2, Space Chimps par exemple.
Voilà, on rajoute des blagues très actu sur des animaux, on cherche la blagounette un poil corrosive et la star au doublage. Et on laisse Pixar s’échapper sur des territoires encore inconnus.
Je ne parle pas du côté technique, avec le magnifique sur place en vigueur (Shrek 1/Shrek 2/Shrek 3 anyone ?).
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Alors voilà. Walle-E est un chef d’oeuvre, une nouvelle étape vers la liberté artistique et narrative de Pixar au même titre qu’Incredibles et surtout un chef d’oeuvre de l’entre sentiment : la poésie, l’absurdité et le vertige.
Alors on dépasse la simple charge anti consumériste, la fable écolo, l’histoire d’amour, l’auto-critique sociale. Ce ne sont que des entrées pour un moment de talent pur.
Plus :
Site officiel
Pour ceux qui l’ont loupé, Presto, le court métrage diffusé avant le film
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Un film, une phrase
Un film, une phrase 2
Un film vu, un film pas vu
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