C’est un secret de polichinelle qui n’a que trop duré. Pas mal de proches et de curieux le savent, je vais quitter laFraise à la fin de cette année.
Un divorce demandé lors de mon dernier voyage à Berlin, qui devait paradoxalement se poser pour moi en coup de boost et de motivation, se révélant en fait la confirmation de mes craintes : laFraise et moi n’avons plus grand chose à voir.
Je tenais à annoncer mon départ le jour où je recevrais un document officiel de licenciement à l’amiable, mais après 2 mois d’attente à ne rien pouvoir dire et sans rien recevoir, j’ai décidé d’avancer. Le document m’est désormais promis pour le début de ce mois, pour un départ le 31 Décembre.
Je tiens au passage à m’excuser sincèrement auprès des personnes ayant voulu avoir de mes nouvelles. Les explications dans la suite…
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Petit postulat de départ avant que tout le monde ne s’enflamme avec ses théories persos : il n’y a pas de gentils et de méchants ici. Evidemment, il y a de grosses divergences personnelles et des inconciliables, mais ce sont surtout des approches différentes de ce que laFraise doit être et doit devenir qui ont pesé dans la balance : l’entité, le label, l’équipe, la structure.
Des différents qui m’ont rendu aussi motivé et actif qu’un vendeur de vent au sein de l’équipe, pas classe.
J’ai maintenant essayé de pondre un post aussi complet, transparent et objectif que possible, mais le tout se transformait inlassablement en brûlot indugeste et chaotique de 25 000 mots, que mêmes les GSS de Lense ressembleraient à des posts Twitter à côté. De plus, pas mal d’infos tiennent simplement du privé ou de la vie interne d’une entreprise et je ne pense pas pouvoir tout coucher ou déballer ici.
Alors je me reprend et je poste point par point par point, dans le désordre et de manière assez partielle (ne l’oubliez pas).
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DC, c’est quoi ?
Lorsque j’ai passé mon entretien avec Lukasz (l’ex big boss de Spreadshirt), un certain nombre d’envies et d’objectifs en commun ont rapidement été mis sur la table. L’envie de créer un vrai label, d’être aventureux, de rester à la pointe, de gérer une vraie internationalisation de laFraise, tout en conservant le noyau français.
J’ai ainsi été engagé comme Directeur Créatif pour faire du Think Tanking à gogo et penser quelques gros projets pour laFraise. Je suis venu avec 5 :
- Un grand lieu physique, mélange de bureaux, de boutique et de showroom permanent pour les graphistes et illustrateurs de laFraise.
- Une collection premium, beaucoup plus orientée graphisme, appelée laFraise+
- La refonte totale du site.
- Un grand évènement offline autour de la création graphique.
- Une agence graphique.
Plus d’un an plus tard, aucun n’aura vu le jour pour diverses raisons. Luttes internes, crise de croissance, changement de budget, de direction, de membres du board… Autant de soucis qui arrivent dans une grosse boîte, mais laFraise est-elle une grosse boîte ?
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Attention, faible d’autonomie
Car les gens de chez Spreadshirt aimant sincérement laFraise, ils ont voulu rattacher complètement notre entité à la leur. Même serveurs, même module de boutique, budgets Com/RH/ITs partagés etc. Résultat, la petite laFraise avance et vit au rythme d’une entreprise de 170 employés et 16 millions d’euros de chiffre d’affaire annuels.
Mais dans le secteur du design, de la mode et du web2.0, il faut être rapide, nerveux, flexible, changeant, innovant. Chose impossible lorsque toute décision ou iniative passe un par délégué qui transmet au board qui décide parfois “oui” ou “voici notre feedback” une fois par semaine.
Lorsque j’ai demandé une autonomie décisionnelle ou technique de laFraise, on m’a simplement répondu que ce n’était pas “politiquement correct“.
Pour le meilleur et pour le pire, voici donc laFraise et Spreadshirt unis. Mais que se passe-t-il donc lorsque Spreadshirt traverse sa première crise de croissance au moment où elle effectue sa première croissance externe ?
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Manque de recul de notre part
Evidemment, je pointe beaucoup du doigt, mais il est évident qu’une bonne partie des responsabilités m’incombe. Le manque de recul de l’équipe et de ma part n’a pas du tout arrangé les situations. Et nous a empêché de voir l’inéluctable plus tôt (au moins en Juin).
N’étant pas le mec le plus organisé du monde, j’ai aussi laissé en friche moult projets ou initiatives mineures auquels je n’accordait alors que peu d’intérêt. J’aurais sûrement dû faire le deuil de mes projets et la jouer charbon. Mais je n’avais pas signé pour cela. Oui, c’est clairement un petit côté diva, mais je n’ai pas bossé depuis 10 ans pour faire ronronner un business encore 2 ans avant de peut-être faire un truc intéressant.
Le manque de recul, c’est aussi d’avoir été aussi enthousiaste au départ et de ne pas avoir voulu faire le deuil de la vraie vie, après les projets sur la Lune. Quand je relis ce post, certains points sont toujours vrais (Spreadshirt est une entreprise qui diffère en bien de bien des boîtes françaises que j’ai pu cotoyer), d’autres sont complètement naïfs. J’assume.
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Différence de cultures
On dira ce que l’on voudra, mais la différence entre une culture latine et une culture germanique, ça joue énormément. On voudrait ne pas tomber dans le stéréotype, mais la culture Cool du côté de Leipzig est très, très différente de celle vécue côté Paris. On se retrouve vite dans une mini guerre de chapelle pour la D.A, les valeurs fondatrices de laFraise, la transparence, les actions gratuites, le style de vie etc.
Mais une fois encore, je pense que beaucoup de gens ne comprenaient pas me (notre) farouche volonté de voir différemment Spreadshirt et laFraise. Ces gens lisaient “Tshirt + Web2.0” sur les deux site et ne pouvaient conclure autre chose qu’une parfaite analogie, là où laFraise est profondemment un site passionnel, fonctionnant au charisme et l’irraisonnable, là où Spreadshirt est un énorme et perfectionné outil de marque blanche, générique, transparent, flexible, adaptable au particulier.
Entre l’outil pur et la communauté farouche, je vois une métaphore du fossé qui sépare en deux notre équipe d’alors. Au jour d’aujourd’hui, personne n’a trouvé de synergie positive et palpable entre laFraise et Spreadshirt. Et pourtant, on a cherché.
Le tout est accentué par la distance et le mythe du télétravail prend un coup malgré les dizaines de mails et les conf’ Skype. La politesse comme les simples moments humains vient vite à manquer et transforme de simples non-dits en tensions. Sans oublier que Sophie, Camille et moi squattions comme des pouilleux les locaux des gentils gens de chez Netvibes, avant de se faire gentillement virer la semaine dernière, après 8 mois de situation juste précaire… Difficile pour l’équipe allemande comme française de se sentir à l’aise dans ce contexte.
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Employés, crédibilité
Le truc, c’est qu’en France, nous passons après Papa Pat’. On a beau en rire par mail, lui et moi savons que sa croix est la notre : une armée de clients et internautes orphelins d’un fondateur charismatique ayant laissé son bébé un peu trop innocemment.
Nous nous sommes ainsi battus tout au long de l’année pour redevenir crédibles auprès des graphistes, illustrateurs, clients et membres actifs de la communauté. Nous nous sommes disputés, battus avec eux et contre les détracteurs (qui avaient parfois raison dans leurs raisons, soyons beaux joueurs) pour leur faire comprendre la sincérité de notre démarche. Nous avons honnêtement défendu les positions de Spreadshirt parce que nous y croyions alors. Et elle était là. Jusque dernièrement, j’ai toujours cru que laFraise allait devenir quelque chose de très excitant pour tout le monde.
Je me rends compte aujourd’hui que les changement de direction de Spreadshirt vont directement peser sur l’avenir de laFraise. Je ne peux vous en dire plus, mais vous verrez en 2008 : la direction que prend laFraise n’est absolument celle que je cautionne. Et comme j’ai aussi été engagé pour être la caution “esprit singulier, esprit laFraise” avec Sophie, le blogger créatif connu et/ou reconnu, je ne peux en aucun cas fermer les yeux et attendre mon salaire.
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Divergence artistique
L’autre problème, ce sont les goûts personnels. Les fraisiens le savent bien, nous nous battons pour plus de diversité et de politique artistique sur les Tshirts que nous imprimons. C’est difficile à faire passer dans le déluge de visuel mimi/cruels/potaches. Résultat ? Je me balade plus souvent dans la vie avec des Tshirts d’autres marques, Threadless en tête, ce qui est un comble en soi. L’image de ce post est la partie “Tshirts design du net” de ma penderie. laFraise n’en représente plus que le tiers. La divergence artistique est ainsi consommée.
Car c’est un cas d’école : La direction artistique qu’a suivi la marque américaine a au final largement inflechi sur les goûts de ses clients, un vrai tour de force qui me laisse plein d’admiration. De notre côté, c’est l’inverse qui s’est produit. Pour des raisons propres à une entreprise qui doit rendre des compte à un board d’actionnaires, nous sommes surtout priés de faire tourner et d’être rentable au plus vite, au maximum. C’est une approche tout à fait défendable, mais à mon avis un suicide à long terme, surtout quand on sait que Threadless arrive en 2008 en Europe, avec leur Concept Store qui ressemble exactement au QG sur lequel nous avons tant travaillé…
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Bah ouais, mais tu t’en fout Lâm, tu es sur 20 milliards de projets !
Et pour cause. Mes amis et les lecteurs de ce blog savent à quel point je suis un robinet à idées débiles comme de projets pharaoniques. J’adore cela, c’est mon Modjo, mon sel.
D’où ma vie de FreeLance touche à tout. Après une petite décennie à courir et butiner, j’ai voulu me poser, me recentrer sur un seul projet, aller dans une seule direction. laFraise devait être ce catharsis.
Le résultat en 2007 ? Divide, BienBienBien, Lense et encore d’autres choses merveilleuses qui arrivent ! Je suis heureux d’avoir fondé et co-porté ces projets avec des gens formidables, mais j’aurais aimé ne pas avoir autant de temps et d’énergie pour cela…
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Et maintenant, que vais-je faire ?
La première fois que j’ai croisé en vrai Patrice à sa soirée d’Adieu, ce dernier m’a dit, à moitié bourré “Mais pourquoi tu veux aller chez laFraise ? C’est fini, il n’y a plus rien à faire pour un mec comme toi. Tu devrais créer ton propre projet“. Et je lui avais crânement répondu que je croyais honnêtement qu’il y restait plein de choses à faire avec laFraise.
… Il avait raison au final, le con :) Douce ironie du sort : après avoir laissé le premier commentaire sur laFraise officielle, je vais désormais m’en retirer pour continuer tout simplement dans la voie professionnelle qui est mienne depuis toujours : créative, aventureuse, à la pointe.
Ne vous méprenez pas, je ne me voile aucunement la face : quitter laFraise est pour moi un avoeu complet d’échec professionnel. Après plus d’un an de lutte, je laisse un site qui n’a pas évolué d’un iota – ou alors avec plus de bugs – et qui n’a dans ses cartons aucun projet majeur validé. Au dernières nouvelles, rien de fun n’arrivera avant 2 ans. Wow.
C’est triste. Je mettrais donc d’autant plus d’énergie à faire avancer mes propres projets dont certains auront directement à voir avec ce que je n’ai pu faire de laFraise. Parce que je refuse de laisser tomber une idée, un concept, un projet auquel je crois.
C’est ce qui m’a fait aussi fait tenir aussi (trop) longtemps entre Berlin et Paris. Au lieu de m’accrocher contre vents et marées à un possible déblocage de la situation, j’aurais dû prendre mes responsabilités et repartir dès Juin/Juillet.
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En attendant, je souhaite bonne chance à toute l’équipe de laFraise et au gens de chez Spreadshirt, malgré les mots durs. laFraise possède un certain avenir, il faut juste que j’accepte désormais que ce n’est pas celui que je désire et cautionne.
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