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Ca s’appelle Dryhead Ranch, et c’est au bout du monde : au bout de deux heures de route en terre rouge au coeur du Montana. Un ranch qui dresse les chevaux, élève des vaches, les vend. 1000 têtes auxquelles s’ajoutent 25 chiens omniprésents.
Le Dryhead accueille quelques invités chaque année, pour travailler avec eux. Pas d’enfants, pas de débutants, pas de balades touristiques. C’est un mélange de maison d’hôte et de partage du travail. Réparer les dizaines de kilomètres de grillages, trier les bêtes, ramener les jeunes étalons et les juments au ranch. Petit déjeuner à 7h00, déjeuner souvent en extérieur et dîner à 18h30 débutent par une immuable prière. Amen. Tout le monde fait la vaisselle, tout le monde reprend de la spécialité de Jacky, la glace au Root Beer.
La propriétaire n’est jamais sortie du Montana. Mais comme sa fille de 16 ans le dit, “nous voyageons en faisant connaissance avec nos guests”. Et les amis de toujours, qui viennent passer de quelques semaines à quelques mois. Il y a le vieux beau qui parle comme le cow boy de Big Leboswky, les filles et beaux-fils, le jeune homme qui malgré sa vie de geek vivant à Los Angeles, revient immanquablement tous les étés depuis 20 ans.
Il y a aussi ces paysages infinis qui ont donné corps à “The Horse Whisperer” ou “Brokeback Mountain”. Des vallées et canyons surmonté d’un temps qui change constamment. Soleil, pluie soudaine, nuages, Soleil écrasant, ciel immense “Big Sky Country”… Chaque journée semblait en contenir des dizaines. Le temps passe plus calmement. Pas plus lentement. Plus calmement, doucement balancé sur son cheval. Le regard au loin, les bouts de discussions, les bouts de gras tapés dans sa sacoche, toujours au rythme du déhanchement de son cheval.
Des chevaux partout, au quotidien, domestiqués ou sauvages, obéissant à la moindre inclinaison, au feeling. Des chevaux que l’on équipe le matin, que l’on monte la journée et qu’on laisse repartir en liberté dans les prairies le soir, en expliquant à nos hôtes héberlués qu’en Europe, les chevaux vivent enfermés dans un box de 9m².
Si je sais plutôt bien monter, j’étais clairement le plus néophyte. Ces instants de rush, lorsqu’il faut stopper une vague de chevaux non domestiqués qui dévient de leur chemin se cavalent droit vers vous, tenir en respect certaines fortes-têtes voulant mordre votre monture. Rentré au ranch, je regarde dans l’enclos à en oublier (encore) le temps ces jeunes cowboys, à peine 15 ans et déjà pros, manier le lasso, travailler les chevaux sauvages. Autour d’eux, les guests admirent, les anciens jugent. Le temps s’arrête. Il paraît que le jeudi, il y a entraînement pour les compétitions de rodéo. Auxquelles le vieux beau a participé, à en juger la boucle de ceinture / prix qu’il porte toujours.
Mais nous n’avons pas vu Jeudi. A peine quelques jours et il faut déjà rentrer en France, avant les autres. Sur la route rouge du retour, elle avait les yeux perdus dans le paysage infinie, la civilisation qui revient progressivement. Dans ses yeux, l’envie claire de revenir “travailler” quelques mois l’année prochaine. Quelques mois sur un cheval au bout du monde, hors du temps.
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