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On choisit sa famille

Chaos Théories  •   12 années

Ma grand-mère est morte et la seule personne pour qui je pleure, c’est mon père.

Parce que les histoires de famille sont celles qui peuvent déchirer ou séparer.

Parce que devenir adulte, ce n’est pas juste tuer le père, c’est aussi vouloir le protéger.

Je suis une personne qui a construit ses relations et ses constructions familiales de manière très méthodique, raisonnée, pragmatique. Parce que le sac de noeud qu’est une famille – amour, chair, raison, morale – m’a toujours effrayé. Une famille est une entité si forte dans son symbole et si chaotique dans ses empilements de faits, de liens, de névroses, de pathos, de souvenirs, que je l’ai toujours repoussée du bras, pour pouvoir garder un recul, une maîtrise. Sinon, je m’y noie.

Je suis très fort et très froid envers ma famille proche et ma famille étendue. Ma famille étendue, j’ai grandi sans depuis des années. Ma famille proche, je l’aime sincèrement car je l’ai dépiautée, analysée. Je veux aimer mes proches par raison et non par tradition. J’espère qu’un jour, mes parents, mes frères et soeurs, mes enfants ne m’en voudront pas. Et que nous nous parlerons encore.

En attendant l’enterrement, je pense fort à mes oncles, ma tante. Mon père. Je pense à leurs reflexions, leurs regrets, leurs douleurs, leurs trop plein de choses à dire. Je pense que la famille n’est pas notre premier cercle social, notre valeur refuge, notre ciment de base : La famille est une entité viscérale et incontrôlable, qui ne vous propose qu’un choix simple et non négociable : l’aimer ou la quitter.

Ce soir, je pense à ma famille, ses membres, leur choix.

Et j’embrasse mon père et sa défunte mère.

Des réactions ?

  • s0mbry

    Courage.

  • http://maximepisano.tumblr.com Maxime

    Quelques pensées d’outre-toile.

    Une question cependant : si pour toi la famille n’est pas notre premier cercle social, qui alors ? Les amis ?

  • Shugga

    Je pense pas m’être jamais identifié a un de tes articles jusqu’ici, mais là si. Elle n’est pas morte ma grand mère, sont corps est toujours là mais sont esprit est ailleurs. Son regard est vide. Je regarde ma famille faire le deuil d’une personne encore “vivante” depuis plusieurs années. C’est dur.

    Stay strong.

  • Le_UB_Masqué

    Que la Force soit avec toi !

  • Nadège

    “Je veux aimer mes proches par raison et non par tradition”. J’aime ta formulation.
    Mon père est décédé début juin. J’ai pleuré, mais pas pour lui : pour ses parents qui sont encore là et qui, à 92 et 93 ans, doivent subir jusqu’au bout de leur vie l’égoïsme de leur fils unique, fumeur invétéré ayant fait plusieurs accidents respiratoires graves et n’ayant pas arrêté la cigarette pour autant…
    C’est cliché, mais je vais le dire :”on ne choisit pas ses parents, on ne choisit pas sa famille”…

  • Benny

    Il est vrai que il vaut mieux être entouré de gens que l’on apprécie et réciproquement…
    A quoi bon être en famille, si il n’y a pas ou peu de “bons” sentiments, faire semblant et continuer à se sourire et être hypocrites jusqu’au bout des ongles!
    Non tu as raison de “faire le tri”, c’est plus honnête pour ta famille et pour toi, j’ai fait ce tri aussi et ma famille est du coup devenu beaucoup plus réduite et je m’en porte pas plus mal :)

  • http://www.monsieurlam.com Lâm

    Maxime : oui, je me suis longtemps construit de par mes amis. Puis mes couples. Aujourd’hui, je réequilibre un peu tout.

    Shugga : je comprends, des bises.

    Nadège : ce que tu dis est dur, mais honnête, je te comprends. Dans les familles, il y a tellement de conséquences et de “longues traînes” pour chacun de nos actes, c’est vertigineux.

    Benny : il y a un tabou autour de la famille. On s’aime parce que c’est sacré. J’ai l’impression que le gros des soucis vient de là, justement.

  • Benny

    C’est sacré parce que l’on veut que ce soit sacré.
    Pour mon expérience, j’ai des gros c… dans ma famille, je ne suis pas forcé lorsque je les exclus de mon “cercle famille”, je suis bien tranquille maintenant et je n’ai plus d’effort à faire pour les supporter.
    Cette action à été facilité puisque je n’ai plus aucun grands parents, avant je faisais un effort pour eux que j’ai beaucoup aimé, mais maintenant qu’ils ne sont plus là…

  • fif

    “Je veux aimer mes proches par raison et non par tradition”
    oui

  • Elzear

    C’est difficile pour moi de poster ce commentaire, car c’est la première fois, alors que je te lis depuis un certain temps.
    Ma grand mère était là, mais le regard perdu et effacé. Elle n’est plus…

    J’ai pleuré pour ma mère et pour cet évènement qui a réunit une “famille” désunis.
    Le sacré c’est le silence, le tabou qui empéche de dire les choses qui font mal à des personnes généalogiquement proches.

    Je “pleure” pour toi.

    Le polaroidoman de Valois

  • http://www.matyeu.wordpress.com matyeu

    Pour apporter une nuance, heureusement que ma famille était là quand mes amis et moi nous sommes tourné le dos. Et merci à elle d’avoir été là dans les épreuves et d’être toujours là aujourd’hui.
    Condoléance à la tienne.

  • Ben

    Un bien joli texte Lam !

    Mon frère est un peu comme toi, il se construit par le biais de ses amis et de son couple, ça me rends triste de ne pas faire partie de l’équation, surtout que je l’aime fort, moi, mon frangin…mais vous êtes comme ça…peut être changera-il un jour, sait on jamais, j’espère que je l’attendrais toujours triste, et que je n’aurais pas planté mes racines ailleurs.

  • http://www.superbytimai.com timai

    salut frérots,
    ton texte me touche tellement. même si je connais déjà ta position. et depuis si longtemps.
    tu le sais, on est pas tout à fait d’accord. aimer pour moi c’est justement viscéral. c’est une manière d’être raisonnable comme tu le dis (en aimant ceux qui nous font du bien par ex. et non ceux qui nous font du mal) ET complètement déraisonnable. on ne peut pas aimer que de manière raisonnable et contrôlée. et cela s’applique à la famille.
    par ailleurs, je trouve ça bien d’avoir des liens qui nous précèdent. et je pense que c’est en se frottant à des gens que l’on peut trouver très cons, que l’on apprend à s’oublier, à aimer par délà les valeurs que l’on se donne, à ne pas juger. la famille, pour moi, on la choisit pas. et c’est un apprentissage de l’aimer. sinon, on reste des adolescent attardés toute sa vie. juste parce que c’est ton père, juste parce que c’est ta mère, juste parce que c’est ta famille, ça vaut le coup d’apprendre à les aimer. et je trouve que tu y parviens très bien. et très justement.
    je t’embrasse
    <3
    mai

  • http://mademoisellemauve.blogspot.com/ mademoiselle mauve

    quel joli texte, Lâm ! quelle jolie plume. en te lisant (“la seule personne pour qui je pleure, c’est mon père”), j’ai eu à l’esprit la scène de la mise en bière de ma propre grand-mère. j’y ai vu mon père et chacun de mes oncles et tantes dire au revoir à leur mère. ça m’a bouleversée : au-delà de mes oncles et tantes et père, quel qu’ait été leur âge à ce moment (plus de cinquante ans), ce que je voyais là, c’était l’adieu d’enfants à leur mère. c’était la première fois que je les envisageais comme tels. en tout cas ce que j’ai appris, c’est que la perte d’une grand-mère n’est pas un moment anodin dans la vie.

    enfin, le témoignage de Ben m’a vachement émue. alors <3 à vous deux.

  • http://alvdaz.fr Daz

    Mouais.

    Je sais pas trop quoi penser de tout ça. Peut-on réellement mettre sa famille au même rang que ses amis ?

    Pour moi c’est impossible pour une simple raison: ma famille me connaissait avant que je ne me connaisse moi-même.

    Mes amis ne connaissent de moi que ce que j’ai choisi de leur montrer.

    Rien que pour ça, famille above le reste.

    Mais attention, c’est pas le même type de relation non plus, donc pas la peine de trainer avec ses oncles et ses tantes sur la dalle en fumant du pilon.

    Sauf si t’es roumain ou gitan.

    Ou les deux.

  • http://www.monsieurlam.com Lâm

    Je ne suis pas certain que ma famille m’ai compris avant moi-même. En tout cas, je me suis autant compris au contact de mes amis que de ma famille, plus par mes amis par la suite. Ce n’est pas tant un choix conscient que le fil des choses et des choix.

  • Aube

    je ne suis donc pas une extra terrestre….

    Moi je suis comme rémi… “ma famille à moi c’est celle que j’ai choisi…” Quand mes grands parents sont partis, je ne les pleurais pas. Je pensais juste à ma petite moman… Et Je suis persuadée qu’on est pas obligé de s’aimer parcequ’on a le même sang dans les veines. Quand à savoir s’ils me comprennent, me connaissent… Je ne crois pas non. C’est pas grave. Les gens que j’aime je les ais choisi, reconnu dans un amphi il y a des années… Ils sont là. Plus important que tout… L’amour ne se commande pas…

    t’embrasse tiens… comme ça, pour la chaleur…

  • http://nonmaisoh.blogspot.com Agnès

    Je trouve ton analyse intéressante, et je suis tout à fait d’accord que l’on aime pas les gens sous prétexte que nous sommes issus d’eux, ou parce que nous partageons le même sang…
    Cela étant dit, quand tu parles de “raison”, j’ai un peu de mal à te suivre…
    L’amour ne se raisonne pas, il me semble. On ne décide pas d’aimer ou de ne pas aimer quelqu’un…On peut décider de prendre ses distances ou de s’en rapprocher, mais les sentiments sont la ou ne sont pas la.
    Ma famille, j’ai mis du temps à la comprendre…Aujourd’hui, je les aime pour ce qu’ils sont, pas parce qu’ils sont ma “famille”…J’aime les personnes qu’ils sont et que j’aime partager des moments avec eux…

  • http://www.studiosushi.com James

    J’ai toujours eu des rapports distancés avec ma “famille”. Amour & admiration totale pour le clan direct sans le besoin de se voir (et c’est réciproque), respect par le sang pour les autres plus éloignés. Amour fusionnel pour le nouveau clan.

  • kinou

    La phrase sur l’entité viscérale me va droit au coeur, c’est tellement vrai et bien dit. Ces mots sont beaux, doux, justes pour parler de nos proches et de nos casseroles (et j’en traîne…mais de moins en moins ouf!). Bref, beau partage, merci.
    Ondes positives vers toi et les tiens.

  • Laura

    Mon père m’a détruite quand j’étais enfant. Ma mère continue. D’une autre façon, mais continue quand même.
    Pour moi, la famille c’est pire qu’une malédiction.

  • Quinton

    Un jour mon père m’a dit : “tu n’es pas obligé de m’aimer, mais au moins respecte moi tant que tu vivras sous mon toit.”

    Je pense que c’est de la connerie. C’est juste une question de personnalité. Peu importe l’opinion que tu as de ta famille, tu n’es pas de les aimer ou des les respecter, peu importe les ou la raison(s). On ne choisit pas sa famille, ni ses parents et on est pas obligé de faire avec. J’ai toujours eu de bonnes relations avec les miens, sauf mon vieux. Et pourtant je ne les fréquente plus, il m’indiffère, mon chemin est ailleurs.

    Oscar Wilde a dit : « Les enfants commencent par aimer leurs parents ; devenus grands, ils les jugent ; quelquefois, ils leur pardonnent. »

  • Yuna

    aimer sa famille c’est bien beau. Mais aimer centaines personnes qui vous ont fait tellement mal étant enfant c’est dur. même si aujourd’hui tout va mieux c’est dur de pardonner, je n’y arriverai peut être jamais. il y a des blessures qui sont trop profonde pour être guéri. mon père m’a toujours certifié que ma mère m’aimait même si ça ne se voyait pas, tous les soirs quand je pleurai.

  • http://410h4.tumblr.com _rem

    Je suis désolé pour ton père et toi.

    Je ne suis pas d’accord avec tout ce que tu dis sur la famille (je suis asiat 2e gen) proche et étendue. Mais ce n’est pas le plus important aujourd’hui.

    Courage.

  • Anaelle

    J’ai énormément de mal à aimer ma mère. Et c’est dur. Mes condoléance à ton père alors. Et merci pour tes articles si francs. C’est bon de lire que je ne suis pas une extra terrestre mais quelqu’un de simplement humain.

  • http://mademoisellecatherine.blogspot.be Mademoiselle Catherine

    Ton texte me touche.
    Parce que je m’y reconnais. Très fort !
    Et je suis arrivée à un stade où je ne culpabilise plus de ne pas aimer “assez” ma famille proche. Parce que je ne vois pas en quoi le lien du sang devrait m’obliger à être proche de gens auxquels je n’ai rien à dire…

    En revanche, j’ai rencontré au sein de ma famille élargie des personnes extraordinaires qui m’ont permis de passer outre le rôle de “vilain petit canard” qui m’a longtemps collé à la peau.
    Ces personnes, je les considère comme amies, car, malgé le lien de parenté, nos rapports sont amicaux avant d’être purement familiaux. Et ça, c’est précieux !

  • http://alvdaz.fr Daz

    L’ingratitude.

  • Truc-Anh

    c’est assez provoquant comme titre non?

  • uhu

    t’as des circonstances atténuantes, je ne connais rien d’aussi compliqué qu’une famille viet!

  • http://parcequejenaienvie.wordpress.com Fleurdelys

    On ne choisit pas qui l’on aime, les sentiments ne font pas de différences entre “famille”, “amis” etc … Par exemple, je ne ressens rien pour mon père, j’en suis triste mais c’est ainsi.
    Ma maman me disait quand j’étais plus jeune que lorsqu’une personne s’éteignait, une étoile se mettait à briller. Je regarderais les étoiles, ce soir.

    Courage.

  • Murielle

    Merci car enfin je me sens moins seule, je ne suis pas “famille” non plus. Je n’aime pas les obligations familliales imposées.

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  • Maïvène

    Je suis littéralement amoureuse de ce post, ainsi qu’environ… pas mal d’autres.

  • http://www.monsieurlam.com Lâm

    Lesquels ?

  • Maïvène

    Ceux où tu prend le temps d’écrire sur toi, c’est surtout ton écriture qui est plaisante à lire. Les mots sont soigneusement cherchés.
    Ainsi que les photographies. Juste l’image, ce qu’elle raconte.

    P.S: surtout ne t’arrête pas, s’il te plaît .