Le timing est parfait : c’est un moment entre deux. On vient de sortir d’un film ouvert, le cerveau bouillonne et on s’apprête à se jeter sur Internet pour comprendre, comparer, opposer, enrichir son avis. Mais pas encore. Avant d’en savoir trop, il convient de garder un arrière goût et un avis partiels.
Inception est évidemment de cette race de films qu’il se doit de savourer juste en sortie de salle, lorsque l’on est encore un peu perdu.
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//PLEASE, DON’T BELIEVE THE HYPE
J’ai deux soucis avec les films de Christophe Nolan. Le premier, sûrement le pire, débute avant le film : c’est sa hype. Depuis Memento, chacune des nouvelles créations du surdoué anglais exacerbe la libido des cinéphiles, souvent à l’excès, The Dark Knight ayant désormais locké à l’extrême cette situation. Et l’on connaît tous le mal que peut faire un bouche à oreille dithyrambique et constant sur un film : on est alors souvent déçu par ce dernier.
On pourrait mettre en équation cette lame à double tranchant de la manière suivante :
Et dans le cas d’Inception, “H” devenait critique : j’ai rarement lu, vu et entendu autant de louanges autour d’un film, au point d’en paniquer et de chercher à le voir le jour de sa sortie pour rester frais et objectif, mais non : les séances ultra complètes dans toutes les salles, les files d’attente Dysneylandesques m’ont maintenu en état de siège anti spoil/hype/trailer jusque ce soir, Dimanche. Exténuant.
Du coup, j’ai évidemment été un peu déçu par le film. Qu’on ne me fasse pas passer pour le rebelle de service, j’ai adoré Inception et j’en bouillonne encore. Mais je n’ai pas pu m’empêcher d’en attendre encore plus, c’était incontrôlable. Je n’arrivais pas à ne pas trépigner durant les bandes annonces, attendre que chaque séquence finisse dans le marbre du 7e art. Que chaque révélation me fasse faire un grand huit cérébral. Mais Nolan ne cède pas à mes fantasmes de spectateur sur-hypé. C’est sa qualité, c’est son second défaut.
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//RAT PACK, MATRIX, RIGUEUR
Le style de Nolan, son talent, c’est parfois ce qui m’embête un peu : une recherche de crédibilité, malgré la nature du scénario, qui rend ses films parfois trop raisonnés, les reboots de Batman en tête. C’est sûrement un mécanisme d’équilibrage lorsque le scénario et la mise en scène sont si vertigineux (Memento), mais du coup, il y a un côté tueur à froid dans l’hystérie ambiante. Inception est souvent brillant, mais souvent froid.
C’est sûr que mélanger Matrix et un Rat Pack à la Ocean’s Eleven demande un sacré sens du manoeuvrage et de la proportion. Et Inception parvient à garder le cap pour nous perdre un peu au final, juste comme il le faut. Nolan ne perdra jamais l’équilibre, quit à me frustrer un poil.
Car il convient tout de même de parler d’Inception, le film. Que dire ? Un travail d’orfèvre, dans le fond comme dans la forme : Structure à tiroirs, cliffhanger final total, casting impeccable (Cilian Murphy, tu me rendras gay un jour), scènes anthologiques tardives mais élégantes en diable, storyboard au timing d’horloger suisse.
On pourra un peu tirer la moue sur les scènes d’action déséquilibrées, mais c’est tout : Inception relève d’une assez propreté effarante, immaculée. Et pourtant.
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//COMME DANS UN REVE
Pourtant, je repense, et je doute. De certains détails, de la crédibilité et la cohérence du système et des règles du “Dream-Hacking” proposés, appliqués, violés dans les règles de l’art par Nolan et son Cobb. Comme tout le monde, je me refais le film scène après scène pour bien être sûr d’avoir tout compris, pour chercher la faille dans le labyrinthe d’Inception et pourtant, comment serait-ce possible ? Nolan est un mec carré à en redéfinir la notion d’angle droit.
Et en face nous sommes, je vous le rappelle, juste sortis du film. Toujours dans cet état intermédiaire où l’on est encore préservé des critiques et des avis des autres, où nos théories, peut-être éronées, règnent encore sans contestation possible d’autrui. Notre version, réalité fait loi, comme dans un rêve, une parenthèse enchantée. Magie des films complexes et ouverts.
Et au final, je m’interroge encore et encore sur le déroulement miraculeux ou implacable de cette histoire, selon la fin que l’on aura choisie. Et je découvre alors le vrai tour de force d’Inception : Arriver à nous amener à énoncer, de manière ultra crédible, réfléchie et non péjorative, deux phrases siégeant au panthéon de la nazitude narrative :
“Mais tout cela n’était qu’un rêve.” et “Ou pas.”
Balaise.
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UPDATE : APRES SECONDE VISION
Tiens, on reparle d’Inception. (La première fois, c’était ici)
Je suis retourné le voir pour accompagner ma chérie et lever certains doutes. Globalement, très bonne expérience : Inception se révèle comme prévu l’un des rares films qui gagnent à être revu, au côté de Usual Suspect, The Game, Abre Los Ojos, Cube, Memento et autres Mulholland Drive. Car un revisionnage permet de s’attacher enfin aux détails, questionner la solidité et crédibilité des systèmes mis en place et bien replacer points forts et points faibles.
Dans le cas d’Inception, cette seconde vision m’a apporté plus de plaisir, le film n’étant pas tant construit autour d’un cliffhanger final total mais plutôt sur une structure aussi complexe qu’ouverte, ouverte à la relecture. J’ai donc eu le loisir de modeler tout cela :
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Les points forts encore plus forts
- Le rat pack, toujours aussi classe : le combo Gordon-Lewitt – Murphy – Watanabe – Rao – Hardy fait passer Ocean’s Eleven pour une horde de précieuses.
- Le système du Dream hacking, ses règles, ses subtilités, les manières d’en tirer le meilleur… Sur ce point, chapeau, tout tient debout.
- Le plan du casse psychologique. Censé, fin, pro, brillant. Et réécoutant leur méthodologie, j’ai vraiment vu un brainstorming utile et non artificiel comme en général.
Les points faibles encore plus faibles
- Ellen Page m’a semblé toujours aussi “actrice générique” dans ce cast royal. C’eût été une autre que personne n’aurait rien vu.
- La représentation des rêves par Nolan. C’est vraiment trop froid, réaliste, trop plein de transitions logiques. Pas un rêve classique, quoi.
- De même, les règles de tricherie dans la conception d’un rêve sont totalement sous-exploitées.
- Le film m’a paru encore plus trop long que la première fois. Une vingtaine de minutes en moins et c’était banco.
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Les points forts affaiblis
- La musique. C’est en lisant vos commentaires que je me suis rendu compte que l’habillage musical était lourd mais surtout bien trop présent. Ce film mérite plus de moments nus.
- Leonardo Di Caprio. Je me demande pourquoi tout le monde le trouve énorme dans ce film. Du coup, il m’a un peu agacé avec sa moue typique “je cache des secrets et je suis très intense, très entêté”.
- Les scènes d’action, mais j’en reparle plus bas.
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Les points faibles anoblis
- Marion Cotillard. Pas convaincu par sa prestation, je sentais que je tombais surtout dans le syndrome “spectateur français regardant une actrice française dans un film US”. Plus ouvert ce coup-ci, je l’ai trouvé bien intégrée au film, parfaite dans son rôle de projection de la culpabilité, du désir, de la raison.
- En parlant de Cotillard, la présence de la chanson de Piaf n’est pas un clin d’oeil lourdingue, mais un choix dès le départ, puisque le sample clef du film est tiré de “Non, je ne regrette rien”. Explications des intéressés par ici et preuve par là. Mais tout de même, pour nous ce n’était pas top…
- La surexplication du système des rêves. Cela paraît trop pédagogiques pour certains d’entre vous, mais vraiment, c’est indispensable.
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La compréhension de certains points
Pourquoi les héros sont ils exagérément immortels dans leurs rêves ? Cela m’avait choqué un peu tué le plaisir des scènes d’action. Malgré les dizaines de M16, les crashes, les paramilitaires en surnombre et les gardes du corps costaux, la team de Cobb ne semble jamais paniquer et les défait tous avec une certaine aisance, passant entre les balles et les coups, Saito mis à part. Je me demande du coup si ce n’est pas du fait que leur subconscient est également très entraîné et donc, bien plus puissant dans les rêves ?
Les 3 théories finales se tiennent : rêve, pas rêve, mission commandité depuis le début par Michael Caïne… En recoupant les différentes théories et en les appliquant durant le film, je me suis rendu compte que les 3 pouvaient tenir. Impressionnant, même si je penche sur la manipulation de Cobb par son père pour enfin sortir du deuil de sa femme.
Je n’avais également pas très bien compris tous les systèmes entre les rêveurs de chaque couche, l’architecte, qui deverse quel partie de son subconscient etc. Bon, tout tient, c’est chouette.
Le passage des Limbes de Cobb à celles de Saito est assez flou, mais je pense qu’il se déclenche à la mort de la projection de Mall. Cobb ayant fait son deuil, il “abandonne” la propriété des Limbes, qui prennent la forme de la dernière personne y ayant résidé. Du coup, ce serait alors Saito qui serait le “propriétaire” des limbes.
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