Le lendemain d’un grand évènement, je suis toujours frappé à la fois par l’excitation et la frustration.
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L’excitation car, de manière assez évidente, je suis bon public et l’Histoire au sens évènementiel me transporte facilement : Coupe du Monde, retrospective de J.O, élection d’Obama, grande manif’… Je marche à fond à chaque ralenti, chaque témoignage, chaque larme etc.
Ce matin dans le metro, j’avais les yeux rouges et embués juste à la lecture du numéro spécial de Libé. Pas tant pour mes convictions que par le ressenti des gens là-bas et de la puissance du mouvement actuellement en marche vers le Pouvoir. J’ai regardé comme beaucoup des vidéos d’archives hier jusque 4h00 du matin avec délectation. J’avais aussi acheté et longtemps conservé le numéro de l’Equipe célebrant les Bleus de 98, ou le Time du 9/11. Ces objets fonctionnent pour moi comme un bout du Mur de Berlin.
L’histoire d’Obama, nous la connaissons tous et nous commençons à tous la connaître de mieux en mieux. C’est un vrai film, un film à Oscars : profil de l’homme, caractère, glamour, coups bas et rebondissements, innombrables anecdotes et les yeux transis de l’Amérique face à ses légendaires discours…
De la même manière, j’avais dévoré les articles sur Nicolas Sarkozy juste après son élection, au delà de mes vues politiques : son histoire, ses talents oratoires, son mepris des formes et des règles, la droite qu’il a alors réveillée, cela m’interpelait d’autant plus que je détestais et déteste cet homme.
Il n’empêche : les histoires et leurs conclusions sont incroyables, extraordinaires.
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L’Historique, c’est aussi la Frustration car, dans les grands moments, nous avons tous le vertige. Nous voudrions déjà dévorer, ingurgiter et digérer toutes les réactions, les images, les vidéos, les moments dans chaque ville. Sans le don d’ubiquité, on se sent vite perdu dans un coin de la salle.
Par corollaire, nous voudrions que la Terre entière entende ce que nous avons à dire, ce que nous ressentons, mais nous voici noyé dans la masse de l’enthousiasme et les cris de millions de personnes dans notre cas… la vue d’ensemble est alors belle, mais à l’échelle individuelle, on se sent un peu impuissant. Si l’on est curieux ET grande gueule, les moments historiques sont ainsi souvent ressentis comme écrasants autant qu’exaltants.
La frustration enfin comme la peur du lendemain. On déteste tous le cafard post colonie de vacances, soirée ou expérience collective. Une fois l’euphorie retombée, on déteste ce que l’on voit, ce que l’on vit, le quotidien qui reprendra ses droits. La descente est souvent très désagréable. Ces deux derniers jours, la plupart de mes discussions sont forcément passées par le cas Obama, empruntes de lyrisme, de reflexion, de rire, d’incrédulité et de “et imagine si…“…
Que l’on aime ou pas cet homme, l’important, c’est qu’il fédère à point donné toutes les conversations. L’unité qui s’en dégage est grisante, on voudrait ne pas la voir se désagréger.
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Le cas de Barack Obama et de son élection changent cependant un peu la donne. Car cet homme sera dans quelques semaines le plus puissant du monde (officiellement). Il fera partie de notre quotidien et influera sur nos vies, directement ou indirectement. Le soufflé ne retombera alors pas si vite (à moins qu’il ne mouline ou merdouille gravement).
L’ampleur de cet évènement retombera alors, mais sa Raison même restera, sans oublier la sympathie globale que 80% du globe éprouve pour Obama. Il restera, il survivra au moment historique qu’il a crée, ce qui n’est pas le cas de tous. Je suis toujours triste de voir comment les mecs de France 98 tentent de se reconvertir, tombent finalement vite dans l’oubli etc.
En attendant, le lis Libé, j’ai les yeux rouges, le cerveau en ebullition et un petit sourire. L’important, ce n’est finalement pas que l’Euphorie retombe, mais bien qu’elle laisse place à quelque chose.
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