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L’évasion, c’est la Détemporalisation

Chaos Théories  •   7 années

Et ce week-end déconnecté, sans smartphones ni technologies, alors ?

Super ! Je n’en dirai pas plus des événements sur place, c’est la règle. Je voulais surtout revenir sur le point qui m’a marqué : le Temps.

Démonstration par la Montre

Lorsque nous avons demandé aux participants de nous remettre leurs téléphones, appareils et photos et autres objets technologiques au début du séjour, nous avons finalement décidé d’y ajouter les montres. Elles ne nous dévorent pas notre attention, mais c’était plus dans l’idée d’aller au bout du trip. Et cela à joué bien au delà de nos espérances.

En moins de 3 jours, j’ai perdu la notion du temps telle que je la connaissais. De précise et normée, elle est devenu floue et naturelle.

groundhog day

Je mangeais lorsque j’avais faim, j’allais me coucher lorsque j’étais fatigué, je me réveillais lorsque mon corps me le disait. Idem pour beaucoup d’autres participants. Rien de spectaculaire bien sûr, mais plutôt une légère ivresse. Ne plus savoir s’il est 23h00 ou 3h00 du matin après une longue discussion ou session de Loup-Garou, ignorer combien de temps on a dormi, mais sentir que c’était suffisant… tout cela était étonnamment enivrant.

Le Soleil donnait évidemment le tempo et fournissait les indications globales, mais rien n’avait de repère précis, cranté. Je me rends par exemple compte que lorsque je m’amuse où je me fais chier en soirée, le temps devient une échelle graduée pour agir.

“Bon, je reste jusque 2h00 et j’y vais sinon on va voir que je me fais chier.”

“Enorme, on reste encore 30 minutes et on y va ?”

“On attend 19h00 pour lancer la cuisine et manger à 20h00 ?”

etc.

L’absence de marque de Temps à changé la manière dont nous avons géré nos envies, nos activités et notre investissement dans ces activités. Et j’ai réalisé qu’un smartphone, ce n’est pas que du contenu infini, c’est surtout un torrent de temporalité.

Data datée

Au delà de cette fameuse heure affichée en écran de veille, l’immense majorité du contenu poussé par votre téléphone est lié au temps et surtout, marqué par une date précise, à la seconde près. Dans notre ère quantifiée, la principale quantification reste le Temps.

La notification “juste maintenant”, l’horodatage des mails, des tweets, des commentaires Facebook, des Instagrams, les alertes info, les reminders, les réveils, le mode nuit… Tout est lié à des heures, des moments. Je me rends compte que mon téléphone est un tunnel de temps, avec du présent à lire, du passé à rattraper, de l’avenir déjà prévu. Et les heures sont systématiquement précisées. Sans elles, tout cet amoncellement de contenu serait un sacré bordel non hiérarchisé, qui mènerait à une indigestion mentale.

Durant les 3 jours du Qamp, nous avons beaucoup discuté sur ce qui nous a la plus changé de nos quotidiens sur-connectés. Au début, c’étaient les réseaux, le lien, la musique… A la fin, c’était majoritairement le Temps.

Traveling Without Moving

Je réalise ainsi que “se couper”, ce n’est pas forcément partir autre part, mais c’est surtout se dérégler. Les jolis vallons de notre terrain de camping ne m’ont jamais paru aussi dépaysants, me disais-je. Mais en fait, on ne parle pas tant de dépaysement que de “Détemporalisation”. Ce paysage me changeait par sa beauté, mais aussi parce que je le regardais sans agenda, sans début ni fin programmés. Mon cerveau était détendu, à son rythme. L’évasion, la coupure ne s’est pas tant produite par l’Espace que par le Temps.

Au lieu de changer de lieu, nous avons ainsi changé de rapport au rythme. Au lieu de fuir le stress des villes pour le zen des forêts, nous avons fuit le stress d’un temps normé pour le zen d’un temps naturel.

Du coup, j’ai évidemment envie de renouveler l’expérience et de la pousser. Partir plus longtemps, plus loin, pour voir si la Détemporalisation joue à plein son rôle d’évasion sur mon bio rythme. Je sais aussi désormais que je peux tout à fait emporter de la technologie avec moi : de la musique, un livre électronique… Mais pas n’importe laquelle : pas de smartphone ou de montre.

Car la question de la coupure n’est finalement pas tant celle la technologie que de la technologie qui rythme et date votre vie. Regardez votre smartphone, butinez dans vos apps préférées : la Temporalité y est omniprésente, c’est le pilier commun à presque tout ce que vous y voyez.

Ce petit constat personnel ne réinvente pas l’eau chaude, mais il n’est jamais trop tard. Je vous invite donc à tester ce voyage aussi rafraîchissant qu’accessible : Pour partir loin, vivez hors du Temps.

Des réactions ?

  • Talion

    Superbe Théorie, hommage à Jamiroquai. Je valide tes dires sauf la typo “Je mangeais lorsque j’avais fin,” ou alors je n’ai pas compris le jeu de mot.

  • Lâm HUA

    Aucun jeu de mot, juste de la fatigue :)

  • Clara Plt

    13 jours de treks au fin fond de la Mongolie, sans électricité pendant tout ce temps & sans montre. C’était jouissif.
    J’y ai même tenté le 13 jours sans miroir (pourquoi faire au fin fond de la Mongolie ?) : l’expérience de surprise de voir sa tête au bout de 13 jours est assez bizarre aussi.

  • Lâm HUA

    Ca doit être assez fou ! Et faire du trekking sans horaire ni timing, ce n’est pas trop “risqué” ?

  • RemiB

    Le meilleur des vacances : un livre, pas de reperes temporels, enjoy.

  • http://www.nfkb0.com/ nfkb

    Hello, propos très intéressants, je crois que ce qui procède du bien être c’est aussi de sortir de la routine, des habitudes lorsqu’on y reste un peu trop longtemps. L’équilibre est personnel, l’arbitrage entre habitude et exposition au hasard me fascine http://www.nfkb0.com/2017/08/02/hasard-et-habitudes/

  • Pingback: Curation estivale – hic et nunc()

  • Lâm HUA

    Tout à fait. Les deux approches se rejoignent, notre routine étant une vie ultra rythmée et datée.